Ce n’est qu’en mai 2010 que j’ai pu reprendre mon crayon pour
inscrire une nouvelle date sur ma liste : le 1er mai 2010. Je suis très
fière d'avoir accompli ce numéro car je l’ai organisé et réalisé
parfaitement (sans vouloir me vanter). Il s’agit du numéro 11 : voir une
pièce de Shakespeare au London Globe Theater.
Mon
maître de stage parisien est vite devenu un ami très cher. Nous avons
toujours gardé contact malgré l'éloignement. C’est ensemble que nous
avons planifié notre week-end londonien. Je n’ai visité Londres qu’une
fois, à 19 ans (ou 18 ans, je ne sais plus) avec une amie de lycée.
Premier voyage sans accompagnateur adulte. J’en ai gardé un très bon
souvenir. Et puis, j’ai un attachement très vif pour tout ce qui touche à
la culture anglaise. J’ai sûrement une image policée du pays, comme les
étrangers s’imaginent retrouver le Paris d’avant-guerre qu’ils voient
dans les films. Mais, même si je ne croise pas de dame en robe Empire ni
de jeune homme, cravache à la main et chemise blanche mouillée comme
Colin Firth dans Orgueil et préjugés,
je ne suis pas déçue pour autant. Malgré la pluie et la courte durée de
ce second séjour, j’étais ravie.
Alex n’était pas très chaud pour
du Shakespeare. Il est allé voir une comédie musicale. Je me suis donc
rendue seule sur les bords de la Tamise. Ce n’était pas gagné d’avance
vu mon sens de l’orientation catastrophique. Mais mon premier voyage
avait dû me marquer car je me souvenais assez bien du chemin après
toutes ces années (A l'époque, nous étions passées devant le Globe nous
promettant de revenir un jour avec plus d’argent dans les poches pour
pouvoir y entrer. Il en a été de même pour quasiment tous les monuments.
Heureusement que les musées londoniens sont gratuits).
Il pleuvait des
cordes et j’avais acheté le ticket le moins cher sur Internet. Il me
donnait le droit d’être dans la fosse à ciel ouvert, debout, pendant
trois heures. Je crois que c’est ce jour-là que je me suis rendue compte
de l’importance de ma liste et surtout de l’importance de vivre à font
chacun de ses points, pour ne rien regretter, comme avec la robe de
mariée. J’avais retiré un peu trop d’argent en arrivant en Angleterre.
J’avais largement de quoi me payer une place assise, au sec. J’ai
demandé au gentil monsieur du guichet dans le meilleur anglais qu’il
m’était possible de produire, s’il n’y aurait pas moyen de faire un
échange de dernière minute.
Et c’est comme ça que, moyennant 30£ de plus
(la place en fosse est à environ 5£), je me suis retrouvée à ce qui m’a
semblé la meilleure place du théâtre, entre deux japonais. J’étais aux
anges, avec ma cape en plastique transparent estampillée du logo du
Globe et mon appareil photo, prête à mitrailler tout ce qui bouge.
Du
haut du deuxième étage, au premier rang, pile en face de la scène,
j’avais une vue imprenable sur les spectateurs de la fosse qui
attendaient le début de Macbeth sous une pluie battante.
J’éprouvais pour eux une certaine pitié mélangée à une bonne dose de
soulagement égoïste. J’avais l’impression d’être dans Shakespeare in
love. Et même si je ne comprenais pas un mot sur dix (heureusement, j’ai
déjà lu cette pièce plusieurs fois donc je n’ai pas eu de difficulté à
suivre), j’étais émerveillée par la mise en scène, le jeu des acteurs,
leur habilité à garder leur sérieux alors qu’ils glissaient
dangereusement sur les planches trempées. Le sang et la pluie coloraient
peu à peu la scène de manière tout à fait appropriée. Et Lady Macbeth
aurait mieux fait de se soucier de ses pieds tachés plutôt que de ses
mains.
La cape en plastique, si ridicule soit-elle, m’a bien servi sur
le chemin du retour. Seule dans le métro, je me sentais presque comme
une vraie anglaise. Je souriais niaisement. J’ai échangé quelques mots
sur la pièce avec un homme d’un certain âge. J’ai mis un peu de temps à
comprendre que ce n’était pas un médium mais qu’il avait simplement vu
ma cape et en avait conclu que je sortais du même endroit que lui.
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